GENRES

Problématiques identitaires autour des questions de genres et d’intersectionnalité

Femmes – Violences

Aline Bovard Rudaz, Femmes – Violences, Superscripte n°1 – Textes sur la photographie contemporaine, Éditions du Centre de la photographie Genève, livre à paraître tout prochainement.

« Qui sont ces photographes qui contribuent à l’édification d’une imagerie des violences faites aux femmes ? Ce texte examine l’augmentation du nombre de projets photographiques dénonçant les violences de genre depuis l’ère post-#MeToo. Les réseaux sociaux ont ravivé l’intérêt pour le féminisme, influant sur les représentations visuelles de la vie des femmes, y compris les images de violences sexistes et sexuelles. L’ouvrage aborde les dilemmes éthiques liés à la monstration d’images violentes et propose des stratégies alternatives de conscientisation, basées sur quinze projets réalisés par des femmes. Ce recueil souligne l’importance de reprendre le contrôle sur la représentation des femmes dans un but d’affirmation, d’empouvoirement, de soin et de lutte. »

Informations : centrephotogeneve.ch


Identités complexes – (Re)penser la masculinité

La grande force de l’exposition Her Take. (Re)penser la masculinité est d’ouvrir un espace de réflexion sur le genre pour interroger la complexité des identités de manière inclusive. Les photographes optent ici pour une approche multiple de l’inclusion. Elles donnent la parole aux personnes représentées et ces témoignages constituent une part majeure de leurs projets. Plusieurs portraits sont réalisés en dehors des pays occidentaux, ce qui permet de questionner le genre, en particulier la masculinité, dans une perspective intersectionnelle qui tient compte du contexte socio-culturel et des éventuels rapports de pouvoir. Anush Babajanyan a choisi de s’inclure dans l’image pour explorer l’univers des hommes qui lui sont proches par le biais de l’auto-représentation alors que Linda Bournane Engelberth (image ci-dessus) aborde plus largement la thématique en traitant de la non-binarité.

Nassim Daghighian


Portfolio et textes publiés dans Photo-Theoria, n°39, hiver 2019-2020 : PDF

Her Take. (Re)Thinking masculinity, avec : Anush Babajanyan, Linda Bournane Engelberth, Jessica Dimmock, Ilvy Njiokiktjien, Nichole Sobecki, Maggie Steber et Sara Terry, Photoforum Pasquart, Bienne/Biel, 02.02. – 05.04.2020.

Catalogue digital (FR, DE, EN) : PDF



Tara Ulmann – Chère Liberté, éloge au Pardon, 2020

Tara Ulmann déconstruit son propre corps pour interroger nos représentations de la féminité. Par la performance et la mise en scène – d’elle-même comme de divers objets, – elle développe une réflexion sur les sens multiples de l’identité : intime, genrée, transculturelle ou transgénérationnelle. Mêlant images, poèmes et textes de l’artiste, son récit autobiographique fragmentaire édité sous forme de livre s’inspire de l’album de famille et de la forme du journal intime. Son projet va toutefois au-delà de la quête personnelle en permettant à chacun∙e d’interroger ses images de la femme.
Tara Ulmann est lauréate du Prix Photoforum 2021 pour son projet Chère Liberté, éloge au Pardon (2020), présenté dans le cadre d’une exposition collective au Photoforum Pasquart à Bienne (Suisse). Ce projet, réalisé lors du confinement qui débuta en mars 2020, est parti d’une importante recherche dans les archives familiales de l’artiste. Se retrouvant seule dans sa chambre d’adolescente alors qu’elle a bientôt vingt-cinq ans, la photographe a exploré les pistes de son histoire personnelle partagée entre deux cultures. Sa propre naissance lui semble revêtir une dimension politique forte : en effet, sa mère est iranienne et musulmane alors que son père, suisse, est juif. Les différences religieuses et culturelles auraient pu rendre sa conception totalement improbable. C’est pourquoi, après avoir lu plusieurs textes de Paul B. Preciado lors de la création de son projet, elle perçoit le corps de la femme comme étant autant personnel que politique.
La figure maternelle joue un rôle particulièrement important dans les processus d’identification transgénérationnels d’une jeune femme. Tara Ulmann parle à la fois d’une mère lui ayant transmis des valeurs traditionnelles et de « la culture du combat, du viol et de ce que c’est que d’être une femme forte et indépendante » * qui lui a été imposée par la société occidentale. Encore tiraillée entre ces notions et la liberté de pouvoir être « qui elle a envie », l’artiste a conscience des imbrications entre problématiques de genres et identités culturelles multiples. Elle développe sa réflexion à la fois sur son intimité, le passé de sa famille et l’avenir, face à la nécessité de pardonner malgré ses blessures pour aller de l’avant, voire même imaginer sa propre maternité.
Bien que le point de départ de ce projet ait une forte dimension autobiographique, Tara Ulmann utilise l’auto-représentation plutôt que l’autoportrait. Pour que la performance identitaire puisse être plus libre et proche du jeu, elle emploie principalement un smartphone. Elle se met en scène, exagère les postures, se réfère aux stéréotypes tel que celui des odalisques, performe le genre par le maquillage ou le vêtement, fragmente son corps et s’en distancie afin de le montrer comme un simple objet pour mieux déconstruire les représentations occidentales de la beauté féminine. Par là, elle accomplit à la fois une quête identitaire intime, une recherche de liberté, et une réflexion plus large sur l’ambiguïté de notre regard sur les femmes.

Nassim Daghighian

Texte et portfolio publiés dans Photo-Theoria, n°40, hiver 2021-2022, p.26-33 : PDF

Tara Ulmann (1996, Genève) a obtenu un Bachelor en Photographie à l’ECAL – École cantonale d’art de Lausanne (2016-2020). Son projet de diplôme présenté sous forme de livre, Chère Liberté, éloge au Pardon, a reçu le Prix Pierre Keller 2020 et le Prix Photoforum 2021 (exposition au Photoforum Pasquart, Bienne, 5.12.2021–16.1.2022).

Cet article a fait l’objet d’une première publication dans 9lives-magazine le 6.12.2021 : www.9lives-magazine.com

*Ambre Oggier, « Le cœur ouvert tout en couleurs : entretien avec Tara Ulmann », Go Out!, novembre 2020 : gooutmag.ch
Autre interview de Tara Ulmann en ligne : supergluecollective.com